Les gamers frustrés ne cherchent qu’à rattraper le temps perdu. Grâce à FLEX-arcade, j’ai parcouru la première partie du chemin vers l’Accomplissement : une borne trône dans mon salon. Reste à me lancer dans le second objectif : plonger dans les 8000 jeux vidéo (et en particulier les jeux d’arcade) désormais à ma disposition. Et pourquoi ne pas commencer à vélo en distribuant les journaux dans le voisinage ? Insert a Coin, c’est parti pour Paperboy !
SOMMAIRE
- Où mettons-nous les roues ? Petite histoire de Paperboy
- Paperboy, un jeu d’arcade bête comme chou
- Paperboy, un jeu vidéo diabolique
- Un jeu riche !
- Ressources supplémentaires sur Paperboy (bande-son, publicité,…)
Évidemment, j’aurais pu lancer mon épopée dans le rétrogaming avec la liste aimablement fournie par ce blog des 10 Meilleurs Jeux de l’histoire. Mais soyons franc : je suis un joueur aussi passionné que nullissime, et les monuments m’intimident. Paperboy propose en contraste un programme rassurant et familier.
Familier, oui, car il me semblait bien l’avoir déjà vu quelque part, ce gamin à vélo. Sur une machine qui s’appelait Amstrad CPC (6128 ? 6128), comme celle de chez moi, sauf qu’elle n’était pas chez moi. Regrets. Par ailleurs, le thème et le décor du jeu sentent bon le cinéma américain pour ados des années 1980, celui d’E.T., des Goonies… Journaux sur le palier, vélos, banlieue pavillonnaire tentaculaire, un monde répétitif mais plein de détails et de micro-variations. Ma course à vélo dans Paperboy ne se terminera pas dans les airs comme celle d’E.T., mais je vous parie Ma-borne-à-moi qu’elle sera mouvementée.
1. Où mettons-nous les roues ?
Une histoire de Paperboy
Atari, NES et borne à guidon
En fait, une recherche sur le Net m’apprend que Paperboy peut aussi être considéré comme un monument du jeu vidéo. Un vertige me prend… Il a été édité par Atari en 1984 pour une borne d’arcade dédiée hyper chouette AVEC guidon intégrée. Qu’est-ce que je fais, du coup ? je me plains auprès de mon mon fabriquant de l’absence de ce guidon historique sur Ma-borne-à moi ? Bon, en même temps, 8000 jeux…
Le jeu remporta un vif succès et a bien sûr été développé très vite pour consoles et PC, sur à peu près tous les supports : Atari, Amiga, Amstrad CPC, Commodore, Game Boy, Game Gear, Megadrive, Lynx, NES… La version présentée sur ma borne FLEX-Arcade est précisément celle de la NES, pour Nintendo Entertainment System (1983-1995), qu’en France on appelait juste “la Nintendo” à l’époque, ou “ma Nintendo”, si on en avait une, ou “ta Nintendo” si on avait la chance de tutoyer celui qui avait “sa Nintendo”. Lancé en 1988 sur NES, Paperboy est d’ailleurs présenté comme l’un des premiers jeux d’un studio américain édité sur Nintendo. Le menu de Ma-borne-à-moi m’apprend en outre que l’on peut jouer à Paperboy 2, nouvelle que l’on reçoit avec l’enthousiasme de rigueur. Pour mémoire, la NES ressemblait à ça :
Game of the Year 1986, messieurs-dames !
En 1986, Paperboy n’a pas seulement remporté le titre Game of the Year de la British Software Industry, il a également obtenu une note de 9.25/10 délivrée par le magazine allemand Aktueller Software Markt (RIP 1995). En 1989, il a reçu une note de 100/100 du magazine britannique ACE (RIP 1992). Pour être honnête, les notes chutent à partir de 1991, mais au final, la version NES du jeu, celle qui nous intéresse, bénéficie d’une note de 8/10 de la part du site Honestgamers.com, qui comme son nom l’indique revendique une totale indépendance sur le jugement des jeux vidéos.
Les références sont bonnes… Ah, j’oubliais, le titre japonais est ペーパーボーイ.
2. Paperboy, un jeu d’arcade
bête comme chou
Le principe du jeu se comprend en deux secondes, ce qui génère temporairement un illusoire optimisme. Il comprend 7 niveaux, qui représentent chacun une journée. Le but : livrer (en fait jeter) des journaux dans les maisons d’une rue toute droite qui vous est présentée au début de chaque niveau, comme ça :
Les maisons blanches sont celles des abonnés à livrer : il s’agit de lancer les journaux sur le palier (cela rapporte des points) ou, mieux, dans la boîte aux lettres (cela rapporte plus de points). Les maisons rouges sont celles des non-abonnés, à ne pas livrer. On peut quand même leur lancer des journaux qui brisent impeccablement leur fenêtre. Acte gratuit et délectable ? Oui, mais pas seulement, comme nous le verrons plus tard.
Votre machine infernale avance toute seule, on peut (théoriquement) freiner mais pas s’arrêter. Il faut “juste” naviguer de droite à gauche et de gauche à droite pour éviter les obstacles. Les obstacles sont évidemment nombreux, incroyablement nombreux.
Si vous arrivez au bout de la rue, ce qui pour ma part m’a pris une bonne matinée, vous finissez la journée par un improbable Training Course, ou « parcours d’obstacles divers dans un terrain vague ». Il s’agit d’éviter des murs et des grilles mouvantes en empruntant des rampes tout en jetant les derniers exemplaires de journaux dans des cibles rondes, car cela rapporte des points.
Si vous survivez à ça et parvenez au mot “Finish”, une maigre affluence (trois personnages) vous acclame dans une tribune prévue pour 200 spectateurs, jugez plutôt.
Mal payé pour un parcours en définitive véritablement infernal, qui doit recommencer le lendemain. Et je n’en suis qu’au Monday.
3. Paperboy, un jeu vidéo diabolique
L’apprentissage sans fin du lancer de journal
Si vous ne lancez pas les journaux dans les maisons des abonnés, ces derniers se désabonnent pour la journée suivante. Pire encore, si vous ne lancez pas correctement les journaux sur le palier ou dans la boîte aux lettres, vous défoncez une vitre, et vous les perdez (les abonnés, car les journaux, de toute façon…).
Vous ne disposez en outre que d’une toute petite réserve de journaux : vous devez en ramasser des piles sur le chemin. Si vous ne les ramassez pas, parce que vous deviez en même temps éviter un obstacle, par exemple, ou que vous êtes simplement incompétent, vous n’en avez plus. Et si vous n’en avez plus, les abonnés ne reçoivent pas les journaux. Et vous les perdez.
Une astuce peut vous sauver, et je le signale parce que je ne l’ai comprise que très tard (je suis nul, vous l’ai-je assez dit ?) : en jetant les journaux dans les fenêtres des maisons rouges, les habitants se réabonnent pour le tour suivant (si vous arrivez jusque-là). Pourquoi font-ils cela alors que l’on dégrade leur habitation ? Mystère.
en fait c’est bien.
Toujours est-il qu’heureusement que cette astuce existe, car il est beaucoup plus facile de lancer les journaux dans les fenêtres que sur la cible. Appuyer sur le bouton au bon moment pour envoyer le journal sur le palier est difficile, mais l’envoyer volontairement dans la boîte aux lettres est impossible… pour moi. Je pourrais peut-être l’envisager si la route était dégagée, or elle ne l’est pas du tout.
Éviter les obstacles, un art majeur
Comment coordonner son lancer tout en préparant à éviter la roue solitaire qui traverse l’écran de gauche à droite ? Et comment éviter la roue sans quitter le trottoir et se heurter à la voiture qui stationne là ? Et zut, comment remonter sur le trottoir alors que se profile une bouche d’égout et qu’il n’y a pas beaucoup d’endroits propices pour remonter sur le trottoir ? Les trajectoires à emprunter dans ce jeu sont étranges. Vous me direz, la physique des jeux d’arcade est étrange, c’est bien là leur intérêt. Et vous avez raison.
Enfin, pour ce qui est de l’étrangeté des trajectoires et des angles, à quoi bon évoquer le parcours d’obstacles final ? On pense emprunter les rampes sans histoire, et paf le mur.
Voilà, c’est ça la vie d’un ex-gamer-frustré de tant d’heures de pratique perdues, et surtout, c’est ça la vie d’un Paperboy masochiste.
Trois vies, c’est trop peu pour
un cycliste maladroit
Une rencontre avec un obstacle et vous finissez en amas de pixels, comme ça :
Cela arrive souvent. Or, dernier clou sur le cercueil, le Paperboy n’en a que trois, des vies : trois chutes et Game over.
Je n’ai donc pas encore dépassé le Tuesday. Mais je me suis bien marré quand même, car heureusement, le charme du jeu ne réside pas seulement dans sa difficulté.
4. Paperboy, un jeu riche !
Le détail qui tue est l’obsession du cinéphile et peut-être plus encore celui du joueur de jeu vidéo. Le nombre élevé de détails insolites qui parsèment Paperboy explique sans aucun doute sa popularité auprès des retrogamers.
Après ma découverte innocente et douloureuse du jeu, je me suis promené sur certaines plateformes bien connues pour découvrir les détails et personnages qui m’auraient échappé (après tout, je n’ai pas dépassé le Monday). Et de fait, je n’avais pas tout vu.
Si vous préférez les découvrir par vous-même, peut-être pourriez-vous scroller en fermant les yeux jusqu’à la fin de l’article, quitte à nous fendre le cœur ?
Les obstacles « ordinaires » (quoique)
- La roue solitaire. Elle traverse régulièrement l’écran. On ne sait pas d’où elle vient, on ne sait pas où elle va.
- Des voitures. Vous vous en doutiez. Il y en a peu (une rouge, une verte…). Elles sont plus présentes, et surtout plus rapides, dans la version arcade originelle.
- Des décorations de jardin et des clôtures. Suburb oblige.
- Des bouches d’incendies, des bouches d’égouts. Immobiles, heureusement.
- Des arbres. Immobiles, heureusement.
- Des poubelles. Immob… Ok, stop.
- Une voiture télécommandée. Mobiles, malheureusement. On ne sait pas qui la guide.
- Un enfant sur un tricycle. Peut-être celui qui guide la voiture télécommandée.
- Une niche de chien. Rien à en dire, mais elle est souvent accompagnée par…
- …un chien, qui poursuit le livreur.
- Un gros chat sur la route. Vraiment gros.
- Des skateurs solitaires. Normal, c’est la période Retour vers le futur.
Étrangetés… cultes
- Le breakdancer sur le trottoir. Toute une époque, hein ?
- J’ai déjà évoqué les trois gars qui nous accueillent à l’arrivée de la tournée en éclatant de joie en bas d’une grande tribune vide. On ne parlait pas comme cela en 1988, mais aujourd’hui on trouverait ça « chelou ».
- L’ouvrier au marteau-piqueur sur le trottoir. Il ne perce rien, bien sûr, mais il vibre, et nous avec.
- Une dame qui surgit de sa maison pour poursuivre le livreur avec un objet non identifié à la main, peut-être un rouleau à pâtisserie.
- Des cambrioleurs. Ils m’avaient échappé : on peut les frapper grâce à un lancer de journal, cela rapporte des points. Mais on peut aussi les rater et exploser un carreau, bien sûr.
- Une tornade (petite, certes, mais c’est une tornade). Et pourquoi pas ?
- Des tombes dans le jardin. Et elles tombent quand on lance un journal dessus (c’est peut-être le détail le plus insolite de ce jeu). Leur présence s’explique peut-être par une autre apparition insolite, celle de…
- …La Mort en personne. La Grande Faucheuse, the Grim Reaper. La Mort, quoi.
- Le plus mystérieux pour moi, et pour mal d’autres personnes visiblement : un type en rouge qui surgit du jardin, où il se tenait immobile, pour traverser la rue. Il porte une sorte de grand anneau à la main, ou peut-être une corde. Je pensais que c’était le genre de cow-boy qui attache les veaux dans les rodéos, mais on ne le distingue pas bien. En fait, ce serait la reproduction d’une décoration de jardin très populaire à une époque (voir le dernier lien à fin de l’article) : une statue de jockey. Très, très étrange.
Voilà, en somme Paperboy, c’est énormément d’humour et de surréalisme dans un décor a priori banal et répétitif. De quoi passer un bon moment malgré son score misérable. A propos de scores, le site Twingalaxies répertorie les records de points. Sur borne Atari, c’est vrai (et en mode « easy street », pfff), mais cela peut vous donner une idée pour vous étalonner. Ou plutôt pour ne pas vous étalonner.
Ressources supplémentaires
En mélomanes avertis, vous ne pouvez pas passer à côté de la chatoyante bande-son du jeu, ici, sur la chaîne YouTube Niko’s 8BitStereo, grande spécialiste des bandes-sons de jeux vidéo.
La publicité américaine pour la version NES du jeu sur la chaîne YouTube RGTV (Retro games TV), ici.
Et là un excellent épisode de Angry Video Game Nerd, énergumène de la chaîne YouTube Cinemassacre, qui m’a confirmé bien des choses sur cet étrange Paperboy version NES, notamment sur la difficulté à appréhender les rampes et sur la signification probable de l’étrange Homme en rouge. Sous-titrable en français.