Si vous êtes contrarié mais soucieux de votre ligne, quel est l’équivalent de la crème glacée dans le jeu vidéo ? Les bulles. Soit “bubbles” en anglais, ce qui est plus rigolo. Prononcer “beubeulse” apaise : entendez-vous déjà le petit « pop » de la bulle qui disparaît ? Reste à les shooter, à les attraper, à monter dessus, à les souffler, à les pousser ou à rentrer dedans, car il y en de toutes sortes et buller prend du temps. De fait, jouer avec des bulles de pixels a déjà englouti des heures de la vie de chacun de vous et de beaucoup de vos ancêtres. Cette histoire de bulles a commencé avec des bornes d’arcade et continue avec des téléphones portables, après bien sûr la case console ; le rétrogaming ne risque pas d’arranger l’affaire.
Sommaire
- Des bulles de toutes sortes
- La bulle de savon – Bubbles (1982)
- La bulle inflammable
- Netherworld (1988)
- La bulle qu’on souffle – Bubble Bobble (1986)
- La bulle salvatrice
- Bubble Dizzy (1990), Mickey World of Illusion (1992), Extase (1990)
- La bulle qui grossit
- Osmos (2009), Big Bubbles (2014)
- La bulle qu’on pousse – Bubble Ghost (1987)
- Bubble Ghost (1987), Soul Bubbles (2008).
- Mais surtout des bubbles qu’on shoote
- Quoi d’autre ?
- Tiny Bubbles (1998) !
- Petit retour en musique sur Bubble Bobble
Ça a débuté comme ça : une bulle de savon dans un lavabo. En effet, le premier jeu vidéo avec bulle date de 1982 et s’appelle fort illogiquement Bubbles, car il n’y a qu’une bulle dans le jeu et c’est vous qui l’incarnez. C’est pas chouette d’être une bulle dans un lavabo ? Les jeux vidéo font vivre des émotions hors du commun.
1. Des bulles de toutes sortes
La bulle de savon – Bubbles (1982)
Bubbles est un jeu de borne d’arcade édité par Williams Electronics. L’action se déroule donc dans un lavabo. La bulle (vous) doit éliminer les impuretés, fourmis et miettes tout en évitant les brosses, les éponges, les cafards et les lames de rasoir. Parfois, une curieuse ménagère miniature passe la serpillère dans le lavabo. L’attraper au passage rapporte des points et une protection relative contre les brosses (vous lui piquez son balai).
Plus elle avale de bonnes impuretés, plus la bulle grossit, jusqu’au moment où elle sera assez grosse pour avalez les brosses et les éponges. Et si tout va bien, le robinet coule et l’eau vous mène au tableau suivant.
Bubbles n’a jamais été adapté sur aucune console, et c’est une injustice parce que ce jeu formidable et original n’a vraiment rien à envier à Pac-Man, si ce n’est son labyrinthe. Si vous possédez une borne d’arcade, jouez à Bubbles, vous ne le regretterez pas !
Je vous accorde qu’il ne s’agit probablement pas du jeu de bulles le plus déstressant qui soit, mais nettoyer un lavabo n’est pas une activité déstressante.
La bulle inflammable
Il est très rare que les bulles de jeu vidéo soient vraiment notre ennemi. Au pire, on les éclate ou elles nous ensevelissent, mais cela se passe sans haine. Sauf dans Netherworld, un jeu spatial paru sur Commodore, Amiga et autres Amstrad CPC en 1988. Votre vaisseau doit collecter des diamants dans l’espace en évitant plein de choses, notamment des dragons qui crachent des bulles. Des bulles mortelles, sans doute remplies de feu grégeois ou d’un acide quelconque. En tout cas, quand on leur tire dessus, ça fait boum.
Peut-être faut-il y voir un détournement des bulles soufflées par d’autres dragons apparus sur la scène mondiale du jeu vidéo deux ans auparavant pour ne jamais en sortir.
La bulle qu’on souffle – Bubble Bobble (1986)
La bulle prend de la hauteur en 1986 avec le classique des classiques : Bubble Bobble (à prononcer dix fois de suite), développé par le studio Taito, comme Space Invaders. Et comme dans Space Invaders, ça commence par un cauchemar puisque Bub et Bob (à prononcer 10 fois de suite) ont été transformés en dragons par le baron von Blubba (à prononcer 30 fois de suite), qui a en outre enlevé leurs petites amies.
Il s’agira donc pour vous de les retrouver en sautant de plateforme en plateforme. Vous ne disposez que d’une arme pour emprisonner les ennemis : les bulles.
Une fois les méchants prisonniers, ils peuvent être avalés et se transformer en nourriture. Il y a à boire et à manger dans Bubble Bobble, y compris des frites sponsorisées et des cocktails.
Le tout se déroule sur une musique célébrissime et pour le moins entêtante… Obsédante ? Il faudrait inventer un mot, sans doute. Voir les ressources en fin d’article si vous avez le malheur/bonheur de ne pas la connaître. L’auteur en est Tadashi Kimijima, qu’il soit béni ou maudit selon votre humeur du moment.
C’est peu dire que le jeu a connu la gloire. Vous avez le choix de la console, amis du rétrogaming, Bubble Bobble a été adapté sur tous les supports et a engendré 11 suites entre 1987 et 2019 (prononcer cette liste à voix haute cinq fois de suite) : Rainbow Islands, Parasol Stars, Bubble Bobble Part 2, Bubble Symphony, Bubble Memories, Bubble Bobble Old and New, Bubble Bobble Revolution, Bubble Bobble Evolution, Rainbow Islands Revolution, Bubble Bobble Double Shot, Bubble Bobble 4 Friends. Je vous parie une borne FLEX-arcade que ça ne va pas s’arrêter là.
Le premier avatar naît en 1990 : dans Snow Bros., les bulles sont transformées en boules de neige, pour un usage quasi identique. Surtout, Bubble Bobble possède son Spin-off (série dérivée), dans lequel les dragons Bob et Bub quittent le monde des plateformes pour celui des shooteurs de bulles : Puzzle Bobble (1994). Peut-être pour concurrencer le mythique Pang (1989) ? Nous reviendrons sur cette avancée décisive en deuxième partie.
Bref, dans le monde des bubbles pixellisées, tout dérive ou presque de Bubble Bobble.
La bulle salvatrice
Dans Bubble Dizzy (1990), certes pas le plus connu des épisodes du susnommé Dizzy (il n’a pas été adapté sur consoles), l’œuf préféré des gamers s’appuie sur des bulles pour se balader au fond des mers. Et c’est joli.
Dans Mickey World of Illusion starring Mickey Mouse and Donald Duck (1992), Mickey et/ou Donald rentrent dans une bulle pour traverser l’océan. Et c’est très joli. En 1994, Bubble Trouble (sortie sur Lynx) transpose la même situation dans l’espace.
Enfin, dans Extase, un étonnant jeu de réflexion français de 1990, le joueur se sert de bulles pour réparer les circuits d’un androïde. Une bulle planante qui accompagne un univers sonore et visuel tout aussi planant.
La bulle qui grossit
Dans le genre planant, on peut citer Osmos (2009), dans lequel le joueur cherche à faire grossir un corps céleste – ou une cellule, enfin concrètement ce sont des bulles-billes hypnotisantes – en avalant d’autres corps célestes. Ce qui reprend le principe de l’antique Bubbles, repris en 2014 par Big Bubbles, mais plutôt au fond de l’eau (les bruits sont reposants à un point…).
La bulle qu’on pousse – Bubble Ghost (1987)
Retour à la console (portable) et au rétrogaming avec une utilisation fort ingénieuse de la bulle au cœur du gameplay : dans Bubble Ghost, édité en 1987 sur PC et sur Game Boy en 1990, un fantôme souffle une bulle de savon qu’il doit pousser dans tous les sens pour traverser tous les niveaux. Le fantôme est content quand on y arrive et peste quand la bulle éclate. C’est rigolo et pas facile.
Le principe est repris plus tard dans l’excellent Soul Bubbles (2008). Les bulles sont ici plus grosses, plus nombreuses, plus solides et les univers plus variés. C’est très, très, très joli.
Malgré tout, si on fait plein de choses superbes avec des bulles dans le jeu vidéo, le kiff ultime et universel du joueur à la recherche de «pop» et de «wizzz», c’est quand même de les pulvériser.
2. Mais surtout des bubbles qu’on shoote
Les bulles, c’est de la balle, et Pang (1989)
Pang est le premier jeu de Bubble shooting, même si objectivement les bulles sont ici un mélange de balles rebondissantes et de ballons de baudruche. Selon moi, cela reste des bubbles à dégommer pour se faire plaisir. Le principe, repris dans Super Pang en 1990 pour Super Nintendo, est immuable : des tableaux fixes, un gamin explorateur qui tirent des grappins pour détruire les bubbles qui débullent du ciel. Et c’est cool. La série Bubble Trouble (désormais Bubble Struggle) exploite aussi le système de Pang.
La variante bulles de billard
Dans E-Motion (1990), une sorte de Shadok sphérique (c’est un vaisseau spécial) doit éliminer des bubbles en les poussant dans tous les sens afin de les associer, comme plus tard dans tous les jeux de tir à la bulle. Mais ce n’est pas du shooting, plutôt du billard sous acide, en tout cas dans les versions sur PC (la version Game Boy, parue sous le tire The Game of Harmony, est moins prenante). C’est magnifiquement coloré, comme vous le montre cette vidéo.
La dynastie Puzzle Bobble
Et voici le moment que vous attendez tous, l’avènement du tir à la bulle dans sa forme canonique. En 1994 paraît en effet le jeu Taito dérivé de Bubble Bobble, mettant bien sûr en avant les dragons Bob et Bub. Il s’appelle Puzzle Bobble (Bust-a-Move aux Etats-Unis) parce qu’il rentre dans le genre « Puzzle game ». Il marque l’avènement du Bubble Shooting, soit un mélange d’Arkanoid, de Tetris et de Pang : le joueur tire avec un canon une bubble de couleur qui doit se marier avec au moins deux autres bubbles de couleur pour exploser en produisant un bruit agréable à l’oreille ; et libérer de la place, parce plein d’autres bubbles débullent par le haut de l’écran. Voilà, c’est simple et ça soulage.
Puzzle Bobble a cartonné dans les salles d’arcade japonaise et a été adapté au fil de 21 versions différentes (bientôt 22) sur Neo-Geo, Super Nintendo, Nintendo 64, Playstation, Playstation 2, Xbox, Wii, Xbox 360, Game Cube, Game Boy, iPhone, Androïd…
Ce n’est simple que sur le principe, parce que le décorum de ces jeux est bien sûr fastueux et leur musique entêtante à souhait : il s’agit d’un jeu Taito. C’est joli, les bulles éclatent en «ding» et en «dong», les lieux changent, les dragons dansent ou tremblent selon le déroulement de la partie et le canon est sophistiqué. Ce n’est pas le cas du jeu qui incarne le Bubble Shooting au point d’en paraître comme le créateur, à savoir Bubble Shooter.
Le Bubble Shooter Imperium
Des avatars de Puzzle Bubble apparaissent entre 1994 et 2002. La série des Magical Drop (5 versions pour consoles entre 1995 et 2004, 2 autres pour PC et smartphones) enrichit le principe avec plein de personnages et beaucoup d’imagination. Il y a aussi Frozen Bubble, sorti en 2002 pour Windows, avec des pingouins à la place des dragons et une musique sympa.
Bubble Shooter sort également en 2002, mais c’est plutôt un clone triste au départ : fini la musique et les décors compliqués, le jeu est réduit à l’essentiel, à savoir les bulles à dégommer, la bulle du joueur, quelques animations et les indispensables bruitages. Cela marche très bien aussi.
Le terrain de jeu est différent : Bubble Shooter vise le marché du jeu gratuit sur PC et bientôt Smartphone. Aujourd’hui, il existe (à peu près) 47800000 versions différentes de Bubble Shooter, dont certaines beaucoup plus sophistiquées. Evidemment, pour le côté console et rétrogaming, c’est moins bien, mais ça reste délassant, facile à comprendre et carrément addictif, à en désespérer certains employeurs, sans doute.
La variante bulle de flipper
Parmi les nombreux clones de Puzzle Bobble sortis dans les années 1990, il y en a un que je trouve très bien. Puzzle Uo Poko sort en 1998 sur borne d’arcade puis sur smartphone. Je conseille bien sûr la version arcade, pour sa musique « exaspérenvoûtante », son originalité, ses bruits sympathiques et son petit chat mascotte. C’est du bubble shooting, mais ça se passe sous l’eau, d’où les bruitages relaxants, qui contrastent cela dit avec des intonations plus exaltées (“Ready ? Goooooo”). Le jeu reprend le principe du flipper avec un lance-bulle. Et les bulles éliminées sont en fait des bulles d’air qui libèrent de l’oxygène permettant au petit chat de respirer sous l’eau. Quand elles éclatent, ça fait plein d’autres petites bulles. Et c’est chouette. Mais quand le chat meurt, c’est triste. Âmes sensibles s’abstenir.
Le même développeur, Cave, a poursuivi le travail avec Puzzle ! Mushihimetama (2005), encore un peu plus exubérant. Les bruits de la mer manquent.
3. Quoi d’autre ?
Dans la série des jeux de plateforme à bulles, Beach Bubbles 3 est sorti sur Xbox en 2013. Plus intéressant, Intergalactic Bubbles (2015) est un shooter en 3D assez fun.
Mais pour ce qui est des bubbles à faire éclater, le meilleur est Tiny Bubbles (1998), un jeu de puzzle sous-marin zen avec des bulles si belles et si mélodieuses lorsqu’elles éclatent que cela vaut toutes les vidéos de relaxation du monde.
Je ne plaisante pas, vous y trouverez la consolation que vous méritez.
4. Petit retour en musique sur Bubble Bobble
Cette vidéo YouTube présente les différentes version du jeu.
Mais bien sûr, le meilleur, c’est quand même sa musique : voici l’original sur NES grâce à la chaîne Niko’s 8bitStereo ; ainsi qu’une fantastique version avec paroles sur Brentalfloss ; et une version piano qui fait plaisir sur la chaîne Lara6683.